dimanche 8 septembre 2019

Nos impatiences impuissantes sur le cours du temps

“Le temps que je manifeste est celui qui se détermine par la suite continue des nombres, structure logique d'un tout en mouvement, incorrigible, non manipulable, non aléatoire, affranchi de l'arbitraire, l'image de l'unité du temps dans sa durée irréversible". 

Roman Opalka, en montrant que nos impatiences n'ont aucun effet sur le cours du temps, crée un temps rigoureusement libre que nous tentons de nous approprier en l'incarnant par le rythme quasi cardiaque des nombres : la durée. Roman Opalka, pourtant éloigné des lois fondamentales de la Physique moderne, a réussi comme aucun autre artiste à ritualiser et incarner le temps Physique (celui des équations) : le COURS de ce temps et la FLECHE de ce temps.


La Physique moderne distingue le COURS du   temps (avançant de façon irréversible, rendant impossible le fait de passer deux fois par le même instant) de la FLECHE du temps, que les philosophes appellent le "devenir", cette FLECHE invoque l'irréversibilité de certains phénomènes temporels : dans ce cours irréversible, des phénomènes sont réversibles et d'autres irréversibles. Un phénomène est dit irréversible quand il subit la FLECHE du temps (son état est modifié) et réversible quand il ne l'a pas subie (son état est identique). Or les lois de la Physique sont toutes réversibles : aucune théorie Physique fondamentale n'intègre le devenir. Comment comprendre des phénomènes irréversibles quand les équations qui les décrivent sont réversibles ? Le prix Nobel Ilya Prigogine propose une réponse radicale : l'irréversibilité temporelle est avérée donc les équations fondamentales réversibles sont fausses puisqu'elles nient le temps. On peut le contredire en affirmant que les équations réversibles sont justes, l'irréversibilité constatée venant d'une interprétation (cf. le physicien Boltzsmann). Pour résumer : le COURS du temps est ce que qui nous empêche de retrouver dans le futur un INSTANT que l'on a connu dans le passé. La FLECHE du temps nous empêche de retrouver un ETAT connu dans le passé. J'ai 58 ans, je ne revivrai jamais l'INSTANT de mes 20 ans (c'est le COURS irréversible) ; d'enfant je suis devenu adulte, je ne peux revenir à un ETAT d'enfant (la FLECHE du temps a modifié mon état d'enfant).



A partie de 1965, Roman Opalka va peindre la suite des nombres entiers, de 1 vers l'infini : il peint donc le COURS du temps. A l'instar du cours du temps, dans la suite des nombres entiers, chaque nouveau nombre se construit à partir du précédent de la même manière que tous les autres nombres. Tous les nombres sont différents mais tous sont construits de façon identique, exactement comme le cours du temps est fait d'instants à chaque fois renouvelés : tout instant présent est inédit  mais a le même statut que tous les autres, puisque les lois physiques vont s'y appliquer de la même façon qu'à tous les autres instants.

Chaque fois que Roman Opalka termine une toile avec sa suite de nombres entiers (il a atteint le million en 1974), il réalise un autoportrait photographique montrant les modifications irréversibles de son état (vieillissement). Ca c'est la FLECHE du temps. Il a donc artistiquement séparé le COURS du temps de la FLECHE du temps comme le fait la Physique, mais dans un temps intime, pictural, subjectif, vécu, puisque qu'Opalka s'est arrêté au chiffre 5.607.249 en 2011, année de son décès, après 46 ans de travail sur une suite hypnotique et obsessive de nombres entiers : "je peins la durée".

En 1974, ambitionnant d'achever à sa mort sa suite de nombres sur fond blanc avec des chiffres blancs ("le blanc moral"), Opalka décide d'ajouter 1% de blanc supplémentaire dans le fond (noir puis gris) de chaque nouvelle toile jusqu'à atteindre le fond blanc absolu ou se dissolvent les nombres. Il a ainsi injecté du devenir dans le cours du temps, comme le préconise le physicien Prigogine. Opalka a donc cessé à cette date de séparer le cours du temps de la flèche du temps dans son œuvre.

Rien n'a d'influence sur le temps, ni impatience ni patience. Opalka est à Varsovie, attendant sa femme à une table de café. Inquiet de son retard, il s'impatiente et constate que cet empressement à la voir arriver n'a aucune influence sur la survenue de cet événement espéré. Il décide alors de couvrir une page de nombres en partant du 1, comme pour capturer les battements d'un temps vainqueur à l'infini : ce jour-là, Opalka commence l'œuvre de toute une vie. Et je reste fasciné par le sacrifice, la rigueur monacale, la solitude artistique, l'indépendance intellectuelle inouïe d'Opalka ainsi que l'esthétique inédite de son œuvre, achevée en blanc sur blanc, comme on kidnapperait pour un instant, avant de mourir, un infime morceau d'absolu.

- PHIL

dimanche 21 juillet 2019

mercredi 17 juillet 2019

USA, Sandbridge Beach, Virginie

 Surf avec David, Ethan et Rafael. J’ai débuté le surf à 6 ans, au même endroit, à Sandbridge Beach, avec mes frères. 

Mon oncle Jorgen qui nous avait offert notre première planche a posé avec nous sur la photo. J’ignore ce que ce cliché est devenu, j’ignore ce que celui-ci deviendra. Don't give a damn, life is better when you surf !   

[PHIL]








dimanche 14 juillet 2019

USA Virginia Beach

En famille tome 1

Relève familiale assurée avec le club des 15 : Ava, David, Dinah, Eliza, Emma, Ethan, Isaac, Jayden, Leah, Liv, Nathan, Rafael, Rachel, Samuel, Roman.


 

[PHIL]

samedi 29 juin 2019

USA Atlantic City

Et hop la paix avec la colonie de vacances familiale. Admiré comme un demi-dieu parce qu'avec moi c'est open bar pour les ice-creams. Ruse ultime pour les faire asseoir au moins 10 minutes pendant que je sirote une bière glacée en silence comme un tonton indigne.  


 

mardi 18 juin 2019

Brookfield Place - NY

Brookfield Place, Manhattan, avec ma cousine Barbara Sauer

Photo by Karen Baruch Dinesen (autre cousine)



lundi 17 juin 2019

USA New York

 

Avec ma cousine Karen et ses enfants Rafael, Ethan et David à New York. Aux States pour rendre visite à notre famille américaine, les Baruch Dinesen, Coelho Jacobsen, Levi Nielsen et Sauer. Périple prévu : New York, Washington, Atlantic City et navigation jusqu'à Virginia Beach.  

[PHIL]



 

 

jeudi 30 mai 2019

Belle Ile en Mer

So long Belle-Ile-en-Mer, mouillages tranquilles, dîners sur la plage (merci Pat et Nat), randos, côte sauvage grandiose, mouettes et petit seau bleu spécial mal de mer (my best friend). Merci au Capitaine pour cette splendide virée. Si Belle-Ile est ravissante, authentique et bourrée de charme, c'est Groix la revêche qui garde ma préférence, Groix la humble, l'indomptée, Enez Groe ma belle coriace. [SOPH]


 

mardi 28 mai 2019

NAV BRETAGNE

Selon l'histoire de l'évolution, les ancêtres des cétacés ont abandonné l'océan pour le plancher des vaches puis sont revenus vivre dans la mer. Le Capitaine est un vertébré, cétacé de type voileux, du sous-genre pêcheur à la traine, avec un taux très élevé de sel marin dans le sang. Jamais aussi heureux que sur un truc qui flotte avec plein de ficelles et de grands draps blancs pour se mouvoir lentement d'un port à un autre. [SOPH]



lundi 13 mai 2019

Bidonvilles contre supergang de l’eau potable : soudain cette grâce absolue

Ils sont pauvres, socialement tous petits et inaudibles. Ils sont  puissants, très riches, très influents et très gros avec une énorme  voix. Dans la chaine alimentaire des multinationales de l’eau, les  pauvres du bidonville de Nagpur en Inde sont  des proies et Veolia est au sommet de cette chaîne de prédation. C’est  l’histoire d’un quartier sans eau, dans un monde où l’eau potable courante privatisée est cotée en bourse, l’histoire d’un monde où le social business joue à qui gagne gagne, donc à qui perd perd. Un monde d’argent corrompu plus argenté que le monde du pétrole. Un monde du silence, silence des affaires, des médias, des politiques, silence qu’un bidonville va briser, faisant trembler le colosse sur ses jambes.

Depuis une quarantaine d’années, le marché mondial de la ressource en  eau a considérablement muté. Les multinationales sont à la manœuvre pour  privatiser l’eau, c’est-à-dire la contrôler et la tarifer : l’eau potable courante n’est plus un bien commun et un droit pour tous mais un bien économique négociable, une marchandise privée dont la  valeur se fixe au gré des échanges commerciaux et des marchés  financiers. L’économie néolibérale globalisée a décrété de façon  unilatérale que la gestion publique de l’eau, jugée sous performante et  dépassée, était un anachronisme, pire : un refus de modernité. Les  investissements colossaux exigés par l’approvisionnement et la gestion  de l’eau n’étant plus à la portée des communautés publiques, seules les  multinationales ont les reins financiers assez solides pour y parvenir.  Parce que la modernité selon les libéraux est un duo gagnant  performance-rentabilité, tout le monde s’y retrouvera. Quand donc une  multinationale assurant un service payant a fait en sorte que tout le  monde s’y retrouve ? Jamais. Quand l’eau potable n’est plus un droit, elle échappe à tout devoir. Point. 


En route donc pour une gestion privée de l’eau : les communautés  publiques sont propriétaires des infrastructures et les multinationales,  via un contrat, assurent la construction de ces infrastructures, la  distribution de l’eau potable et l’assainissement des eaux usées. Dans  ce meilleur des mondes, cette délégation octroyée à des multinationales  privées a un coût : le coût du service rendu par la multinationale et sa  rémunération ou marge bénéficiaire (et l’on sait tous qu’une  multinationale ne vivote pas en CDD avec un SMIC), la multinationale  devant enrichir ses actionnaires comme les marchés financiers. Alors qui  paye l’eau au final ? Le consommateur d’eau : vous, moi, la  collectivité. Qui enrichit la multinationale ? Vous, moi, la  collectivité.  Donc qui se fait avoir ? Vous, moi, la collectivité.
Bidonvilles nord de Nagpur

Et dans les pays pauvres, là où le consommateur d’eau n’est pas en  mesure de payer ce qu’il va consommer ? Et bien c’est le pays (donc le  peuple) qui règle cette note, via des subventions et des investissements  publics. Cela devient très intéressant pour la multinationale : elle  négocie à prix d’or une gestion privée déléguée de l’eau en un seul  contrat dont le paiement est GARANTI par l’Etat, la subvention est à  portée de main, il suffit de la saisir. La pauvreté d’un pays, pour les multinationales, c’est de l’or en barre. Sous couvert des fameux ODD, Objectifs de Développement Durable, les  multinationales imposent partout la privatisation de l’eau. C’est beau,  c’est moral, c'est pour le bien de tous. Le tour est joué. Et aucun  média mainstream pour dire qu’on est en plein néocolonialisme.
Dans ce monde ultralibéral de la gestion de l’eau, la pensée unique globalisée promet un paradis aquatique pour tous. Les premières fissures (pourtant prévisibles) de cette gestion privée n’ont pas tardé à apparaître : mauvaise information délibérée du consommateur et des collectivités locales, flou artistique sur la qualité et le prix du service de l’eau potable courante domestique, défaut et insuffisance de contrôles de la qualité de l’eau, situation de monopole de la multinationale imposant prix et marge sans concurrence possible, hausse de prix injustifiée frisant la truanderie, contrat de délégation aux multinationales brumeux… Et qui paye très chère cette belle arnaque ? Vous, moi, la collectivité. Donc qui gagne (énormément)? On a tous compris. Et surtout qui prend au passage de larges commissions (et pots de vin) pour octroyer ce service public de l’eau à une société privée ? Ni vous ni moi. Ceux pour lesquels vous votez.


Et puis juillet 2010 : la Bolivie dépose une résolution qui sera adoptée par l’ONU, l’accès à l’eau potable courante devient un DROIT FONDAMENTAL de l’humain. Cette magnifique résolution n’a pas du tout inquiété les multinationales de l’eau : un droit peut se traduire en prix donc dégager une marge, un devoir est une contrainte que la multinationale peut faire semblant de respecter. Devinez quoi ? C’est ce qui s’est passé, en termes de droit comme de devoir.

Et Nagpur et ses bidonvilles dans tout cela ? Cette ville indienne du  Maharastra de près de 3 millions d’habitants vit une situation de la  gestion de son eau courante catastrophique : distribution aléatoire, coupures  récurrentes, réseau de distribution vétuste, eau polluée non potable,  bidonvilles non raccordés, pas de recyclage des eaux usées… En 2012, Veolia (consortium Veolia et société indienne) arrive tel le messie pour  sauver la situation et signe un contrat de 25 ans pour gérer l’eau  potable de Nagpur (contrat financé par la ville et les usagers de l’eau)  : eau courante potable pour tous, y compris dans les bidonvilles,  traitement des eaux usés, rénovation, extension et modernisation du  réseau de distribution. C’est le merveilleux concept de “ville inclusive” de Veolia : le progrès pour tous, la prise en compte sociale, l’entreprise citoyenne, l’humain, ah l’humain (je tairai les pots-de-vin et les rétro  commissions, seconde nature de l’Etat indien, qui ont permis à Veolia  de décrocher ce contrat, ça tombe bien, les conflits d’intérêt sont une  seconde nature des multinationales). Un modèle de “social business” que soutient financièrement la Banque Mondiale. Car la mécanique de ces juteux contrats est aussi simple que cynique : socialiser les investissements.  Les investissements publics s’effectuent conjointement avec les  investissements privés, bref on mutualise argent public et argent privé pour mener à bien un projet de réseau d’eau potable, mais les recettes  produites ensuite par ce projet reviendront en majorité à l’investisseur privé ; ou comment faire du chiffre avec l’argent de la collectivité.  Moralité : on ne socialise jamais les recettes, JAMAIS, seulement les investissements. Je ne sais pas pour vous, mais dans mon monde, cela s’appelle un contrat de dupe.


Donc Veolia propose l’eau potable pour tous à Nagpur. C’est si beau, si  parfait, si moral ce projet quasi humanitaire que la région de Maharastra décide d’étendre la privatisation de l’eau à d’autres grandes  villes indiennes. Veolia (et Suez) s’en pourlèche déjà les babines. La  presse française se déplace à Nagpur, articles dithyrambiques : les journalistes au garde à vous ont exécuté le boulot libéral attendu de cirage de  pompes, sans aucun discernement.

7 ans plus tard, force est de constater que rien ne s’est passé comme  prévu (ça alors !). Le prix de l’eau pour le consommateur a été  multiplié par deux et demi, les foyers à raccorder sont toujours en  attente, un infime pourcentage des canalisations à remplacer ou à  installer a été effectué. Les matériaux utilisés assurant la  distribution d’eau sont de si mauvaise qualité qu’ils sont déjà à remplacer, les plombiers indiens sous-traitants ont entamé une grève de  la faim tellement leurs salaires sont moyenâgeux. Les contrôles de  qualité de l’eau sont risibles et la contamination de l’eau régulière.  Les scandales financiers et les conflits d’intérêt en tous genres  s’accumulent aux pieds de Veolia. Dans un pays où la corruption et le  clientélisme sont des sports nationaux, entre les opérations financières  douteuses et la connivence entre intérêts politiques et économiques,  Veolia n’a finalement pas fait mieux avec l’eau que ce que faisait  auparavant le service public indien, en revanche Veolia l’a fait en beaucoup plus cher : pour un même résultat catastrophique de sa gestion de l’eau, la  municipalité de Nagpur dépense désormais 20 millions de plus an. Merci  Veolia et son “social business”.

Notons que Brune Poirson,  actuelle secrétaire d'État auprès de François de Rugy, ministre de la Transition  Ecologique et Solidaire (et auparavant de Hulot, et oui), était directrice de la responsabilité sociétale à la privatisation de l’eau de la ville de Nagpur pour le compte de Veolia : fiasco complet, Mme Poirson est depuis une star à Nagpur. "J’ai été portée par un engagement social, affirme-t'elle à la presse, je me suis engagée en Inde aux côtés des plus démunis. J’ai été en charge de gérer des projets de distribution d’eau dans les bidonvilles. J’ai pris la mesure de l’importance cruciale de la bonne gestion des ressources environnementales dans le contexte du réchauffement climatique." Elle a au moins le sens de l'humour noir. Brune Poirson est également depuis 2019 vice-présidente de l'Assemblée des Nations unies pour  l'environnement : le climat et la biodiversité vont bénéficier des  hautes compétences de cette personne aussi éthique qu'indépendante des lobbies des multinationales. Notre avenir écologique et climatique s'annonce radieux. 

Où en sont les bidonvilles de Nagpur ? Et bien ils n’ont toujours pas d’eau  courante. Dans l’attente de travaux de raccordement qui n’arriveront  jamais, Veolia a mis en place en sous-traitance un réseau de camions citernes pour approvisionner les bidonvilles en eau potable, un vrai business d’avenir. Cette  eau est payante, même sans robinet, elle a d’ailleurs plus que doubler  depuis que Veolia la gère (en réalité c’est la municipalité qui fixe les  hausses de tarifs, mais en fonction de ce que lui coûte l’intervention  de Veolia, donc indirectement c’est Veolia). Cette eau ayant une valeur marchande, elle est volée depuis les camions citernes puis revendue  avant d’arriver aux bidonvilles. …On est en Inde et l’économie mafieuse et le marché noir représentent 84% du PIB national. En revanche la facture, elle, arrive chaque mois dans les boites aux lettres des  bidonvilles, sans compter que les pauvres ont dû illégalement payer  l’installation d’un compteur d’eau à leur domicile (alors qu’il était  prévu gratuit) pour une eau courante inexistante. Le prix de l’eau, même  subventionné pour les zones les plus démunies de Nagpur, reste  inabordable pour les foyers des bidonvilles : l’endettement s’installe pour une eau qui n’arrive même pas à domicile mais en camion, quand  cette eau n’est pas volée avant. Ca fait beaucoup pour les habitants des  bidonvilles, vraiment beaucoup. 


Alors arrive l'impensable pour Veolia et sa meute de corrompus politiques : la mobilisation des bidonvilles. Création d'associations de défense des usagers, interpellation des pouvoirs municipaux et de Veolia. On continue d'embourber les bidonvilles de promesses. Réaction des habitants des bidonvilles : ils menacent de faire la grève du vote, manifestent et entament des procédures judiciaires contre la municipalité et Veolia. La Justice n’échappant pas à la culture du clientélisme et de la corruption indienne, les bidonvilles sont déboutés. Leur lutte est héroïque parce qu’elle est sans moyen. Les bidonvilles le savent : ils sont dans leur droit. Alors l’émeute. Les bureaux locaux du consortium Veolia sont brûlés, les cadres indiens du consortium menacés, les bidonvilles interpellent l’opposition qui sent que ce mouvement est d’ampleur et peut renverser la municipalité. Les bidonvilles comprennent très finement la situation et gèrent parfaitement la récupération des partis : ils obtiendront gain de cause, ne paieront pas l’eau inexistante et les compteurs d’eau. Mais surtout la colère des bidonvilles a déclenché des contrôles et des bilans, des demandes de comptes inattendus pour la mairie de Nagpur et Veolia. La remunicipalisation de l’eau est en route à Nagpur. Des ONG telles que Corporate Accoutability International se penchent sur l’affaire et étudient la reprivatisation de l’eau dans toutes les grandes villes de l’Inde.  Car le résultat est un fiasco total : cette gestion privée est une catastrophe, l’argument libéral est à genou devant les miteux résultats de cette privatisation. Le “social” business n’existe pas parce que le business n’admet jamais aucun adjectif : le business n’admet que lui-même.


Cette émeute des bidonvilles de Nagpur refusant d’être les dindons de la farce libérale de Veolia et des pouvoirs publics locaux a fait trembler une municipalité et une multinationale. Mieux, les associations d’usagers de ses quartiers ont catégoriquement refusé tout dédommagement financier contre un retour au calme surtout judiciaire, eux, les pauvres de tout : ils n'ont rien, ils ne sont rien, mais eux et leur juste colère ne sont pas à vendre. C’est cela la grâce, c’est cela. La grâce absolue. Cette grâce qu’aucune multinationale, aucune pensée unique néolibérale ne peut pas même effleurer du doigt sans se brûler.
NB : comble du cynisme, pendant que les bidonvilles de Nagpur luttent et sont toujours ravitaillés en eau potable payante par camion-citerne, les touristes et la jeunesse dorée de cette ville s'éclatent à l'occidentale dans des parcs aquatiques de Nagpur tels que le Dwarka Water Park ou le Krazy Castle Aqua Park, où les gamins apprennent que l'eau coule visiblement de source et n'est qu'une vaste rigolade.


Je ne remercie aucune association, aucun pote de combat pour le générique de fin : lutte judiciaire des bidonvilles de Nagpur toujours en cours, trop de vaillantes personnes impliquées sur place et des multinationales avec des représailles redoutables.

[PHIL]

mardi 23 avril 2019

Petit bazar

Son petit bazar, ses petites babioles, ses petites manies, ses petites manières de Comtesse marrane, ses petites fantaisies et autres extravagances, ses petites distractions, ses petits caprices, ses petites marottes, ses petites cachoteries, ses petits enfantillages, ses petites bouderies, ses grands sortilèges. [PHIL]


 

dimanche 7 avril 2019

PARADOXE DE RUSSELL

 Mettons qu'un Consistoire ordonne au rabbin d'un village d'enseigner la Torah à tous les habitants juifs qui n'étudient pas par eux-mêmes ce livre, sachant que pour l'enseigner aux autres, il faut se l'enseigner en permanence à soi-même. Si le rabbin étudie la Torah lui-même pour ensuite l'enseigner, alors il ne peut pas enseigner à lui-même la Torah car il doit l'enseigner uniquement à des juifs qui n'étudient pas par eux-mêmes. Enfin personne, selon cet ordre du Consistoire, ne peut lui enseigner la Torah puisqu'il l'étudie lui-même. Idem pour un curé ou un imam, c'est le paradoxe de Russell et son ensemble d'ensembles qui ne s'appartiennent pas. 

En fait il est possible de respecter cet ordre si le rabbin est : soit un goy déguisé, soit étranger au village. Moralité : 1) avant de croire, étudions les maths. 2) avant de nous réclamer d'une communauté, révisons la théorie des ensembles.

PHIL

vendredi 29 mars 2019

PECHE - Guatemala, Puerto Barrios

 

Pêche avec les potes David et Frankie, au large de Bahia de Amatique.

Humble hommage à la moyenâgeuse héroïne du Roman du comte d’Anjou de Jehan Maillart : en pleine famine, la belle chante plus d'une vingtaine de vers à la gloire des recettes de poissons :

 
Esturjons, saumons et plais
Congres, gournars et grans morues
Tumbes, rougés et grans barbues
Maqueriaux gras et gros mellens
Et harens fres et espellens
Sartres grâces, mullés et solles
Bremes et bescües et molles…


Photo by David L'Amiral
[PHIL]

lundi 11 mars 2019

Paroles de technocrates

 

Avant on parlait de PLAN DE LICENCIEMENT, quand on jetait tout ou partie des employés. On était "victime" d'un licenciement, et s'il y a victime sociale, il y a un décideur, une idéologie ou un système responsable qu'on peut désigner.

Plus tard, pour parler de la même chose, on a dit PLAN SOCIAL. C'est plus tolérable : on arrange tout le monde en tenant compte et du MEDEF et des licenciés bénéficiant de mesures sociales, sorte de partenariat adoucissant, mais au final on jette. 

Toujours plus fort, aujourd'hui on parle de PLAN DE SAUVEGARDE DE L'EMPLOI, un truc social, moral ET salvateur où les victimes ont disparu du concept. Sauvegarde, mais on sauve quoi ??? Puisqu'au bout du compte on balance des travailleurs dans le caniveau professionnel et existentiel, sans jamais désigner les responsables de cela : du gagnant-gagnant hein, même quand on perd son job. Et qui lutterait contre un très positif "plan de sauvegarde" sans être taxé de salaud ? L'abus de pouvoir, notamment technocratique et libéral, s'exerce aussi par les mots.

mercredi 6 mars 2019

 Jamais tu n'iras en Amérique, lui disait-on. 

Benjamin rêvait de Philadelphie, à cause des photos vues dans le Berlingske : des immeubles si hauts, des avenues si larges. Ni Wisconsin ni Nebraska comme pour les autres migrants Danois de Aarhus, lui rêve de Philadelphie, de sa propre entreprise, une maison avec un immense escalier, un salon à chaque étage. Et une résidence secondaire à Atlantic City, pour sa fiancée Esther.  

Benjamin Baruch Dinesen a étudié la chimie à Copenhague puis travaillé dur pour financer son voyage. Il ne passera pas par Ellis Island, check point des 3èmes classes, mais par Hudson Point, avec un billet 2ème classe sur un navire anglais. 

Il l'a fait, il est parti avec Esther, avec pour bagage ses maigres économies, son diplôme de chimiste et son violon. Mes grands-parents maternels ont été naturalisés américains en 1931.

PHIL


 


  Céline, ce capitaine Haddock surclassé Je ne déteste pas L. F. Céline, encore moins pour les étiquettes qu'à raison on lui colle, je ...